Fin décembre. Les derniers examens sont terminés, les campus se vident, les étudiants retournent dans leur famille. Enfin, ceux qui le peuvent.
« Pour les étudiants internationaux, ce n’est pas toujours possible de rentrer à la maison », laisse tomber Heyun Liu.
L’étudiante d’origine chinoise en sait quelque chose : pour la deuxième année de suite, elle passera le congé des Fêtes sur un campus déserté, à des milliers de kilomètres de sa famille. Déprimant ? Ce n’est pas obligé de l’être !
L’an dernier, l’Université de Montréal a mis sur pied un programme de parrainage pour les étudiants dans la même situation.
L’idée : jumeler des membres du personnel à des étudiants internationaux, le temps d’une sortie ou d’un repas, entre le 23 décembre et le 3 janvier.
« L’objectif est de briser l’isolement », résume Frédérique Denault, coordonnatrice au soutien à la communauté étudiante internationale.
Le temps des Fêtes peut être une période particulièrement solitaire pour les étudiants internationaux, qui sont nombreux à rester loin de leurs proches, faute de temps ou d’argent, souligne-t-elle.
Une anecdote d’une employée qui avait parrainé un étudiant l’hiver précédent l’avait particulièrement marquée. « C’était la première fois que l’étudiant partageait un repas avec une autre personne depuis son arrivée au pays en août… », raconte-t-elle.
Cet hiver, près de 120 étudiants se sont inscrits au programme de parrainage, sensiblement le même nombre que l’an dernier. Ces étudiants proviennent d’une trentaine de pays : Allemagne, Cameroun, Algérie, Iran, Népal, Suisse, Syrie, Corée du Sud…
Et les activités proposées par leurs hôtes sont tout aussi variées : visiter un marché de Noël, patiner au centre-ville, monter le mont Royal…
L’université espère répéter le succès de l’an dernier. « On avait eu de très bons retours, autant du côté des employés que des étudiants », souligne Mme Denault.
Une solitude lourde à vivre
Quand elle a appris l’existence du programme, Samanta Penaloza s’est tout de suite portée volontaire.
Originaire du Mexique, elle sait ce que traversent les étudiants internationaux. Surtout pendant cette période de l’année, où la solitude est plus lourde à vivre.
J’aurais aimé que ça existe au moment où je faisais mes études !
Samanta Penaloza, conseillère en relations facultaires à l’Université de Montréal
C’est ainsi qu’elle a accueilli, le 24 décembre dernier, quatre étudiants – dont Heyun Liu – provenant des quatre coins du monde à sa table.
Le groupe a mangé de la tourtière, joué à des jeux, pris des photos devant le sapin… Un souper de Noël typiquement québécois, quoi.
« C’est devenu une soirée très spéciale, témoigne Samanta Penaloza. Cet échange entre des personnes qui viennent de différentes cultures, ç’a été très enrichissant. »
Heyun Liu acquiesce. « C’était magnifique », résume-t-elle dans un français approximatif, qui s’est d’ailleurs beaucoup amélioré depuis l’hiver dernier, lui souligne Samanta.
La chimie a été tellement bonne que trois des étudiants se sont même revus le lendemain, de leur propre initiative.
« On a visité le centre-ville ensemble et on a pris un verre ! », raconte Ludger Azandegbe, qui s’est réinscrit au programme cette année.
Originaire du Bénin, l’étudiant à la maîtrise en administration des services de santé pouvait, cette année, retourner dans sa famille pour le temps des Fêtes. C’est par choix qu’il a décidé de rester.
En plus de briser l’isolement, le programme favorise l’intégration des étudiants internationaux.
Depuis que je suis arrivé ici, j’ai participé à beaucoup d’activités. J’essaie de découvrir comment les choses se passent ici, comment les gens vivent véritablement.
Ludger Azandegbe, étudiant étranger à l’Université de Montréal originaire du Bénin
Lui aussi conserve un précieux souvenir de cette soirée partagée avec des inconnus.
« À un moment, on a reçu un appel de la mère de Samanta. C’est comme si on était en famille ! C’était formidable », raconte-t-il.
Charmée par sa première expérience, Samanta Penaloza a décidé de s’inscrire à nouveau au programme. « Je vais recréer la formule parce que j’ai beaucoup aimé ça », explique-t-elle.
Un programme similaire à l’UQAM
L’Université de Montréal n’est pas le seul établissement qui propose un programme du genre. L’Université du Québec à Montréal (UQAM) en compte aussi un depuis plusieurs années.
« Il y a des défis d’adaptation pour les étudiants internationaux, et c’est bien que les autres soient sensibles à ça », résume Frédérique Denault.
Et peut-être encore plus maintenant, alors que les discours entourant leur accueil sont souvent négatifs.
« Cette ambiance-là, ils en sont conscients, souligne-t-elle. Je trouve ça important pour eux qu’ils sentent qu’il y a des employés qui leur ouvrent leur porte. »
Un avis partagé par Samanta Penaloza. « Je pense que c’est une majorité de personnes qui voient la valeur ajoutée que ces jeunes apportent à la société québécoise, et ça vient, je pense, contrebalancer tous les discours qu’on retrouve ces temps-ci dans les médias. »